Groupe de recherche sur le calcul indigène

Etude du développement des connaissances noyaux : l'exemple du nombre en mundurucu

Ce groupe est issu d’une collaboration interdisciplinaire entre des spécialistes de neuro-sciences Stanislas Dehaene (Directeur de l’Unité ’neuro-imagerie’ INSERM 562) et Sidarta Ribeiro (Directeur de l'Instituto do Cerebro, UFRN, Natal, Brésil), des specialistes de la psychologie du comportement et Elizabeth Spelke Département de psychologie de l’Université d’Harvard) et Véronique Izard  (Laboratoire Psychologie et Perception) et des linguistes Pierre Pica (UMR 7023 CNRS/Université de Paris VIII et Instituto do Cerebro, UFRN, Natal).

Ce groupe de recherche développe depuis une dizaine d’années une recherche interdisciplinaire sur les capacités cognitives (domaine du nombre et de la géométrie) des Mundurucus , un peuple qui ne possède de noms de nombre que jusqu’à quatre.


Les premières expériences ont en particulier montré que les mundurucus appréhendaient les numérosités par estimation et que l’imprécision de cette estimation mesurée par son écart-type croit linéairement avec le nombre exprimé selon une contrainte de proportionnalité appelée coéfficient de Weber.

 

Des expériences plus récentes ont montré que les mundurucus dépourvus d’éducation mathématique accordent plus de place aux petits nombres qu’aux grands nombres, suggérant qu’une échelle de similarité logarithmique fait partie des intuitions fondamentales de l’humanité.

 

Ces résultats recoupent de façon très précise les résultats antérieurs obtenus chez les jeunes enfants (qu’ils soient occidentaux ou non), résultats dont les dont les substrats neurologiques ont pu être identifiés chez l’homme et les autres primates.

 

Les premières expériences ont en particulier montré que les mundurucus appréhendaient les numérosités par estimation et que l’imprécision de cette estimation mesurée par son écart-type croit linéairement avec le nombre exprimé selon une contrainte de proportionnalité appelée coéfficient de Weber.

 

 

Pierre Pica (CNRS) : Missions en Amazonie (1998-2007)

Les résultats de ces recherches (Voir le détail de des missions (1998-2007) ci-dessous) ont montré que l’étude d’un système du type ’un, deux, trois beaucoup’ étaye l’hypothèse selon laquelle la notion de nombre peut être dérivée d’un certain nombre de sous-domaines correspondant à des "intuitions" ou connaissances préverbales distinctes.

 

 

Ces intuitions correspondent à des propriétés psycho-physiologiques particulières pouvant être mises à jour par des expériences mettant en jeu la comparaison de deux nuages de points disposés de façon à éviter les facteurs non-numériques, ou, la disposition de quantité sur un segment étiquetté.

 

Pierre Pica : Emission avec J.P Rogel Radio/TV Canada

L’étude détaillée du système mundurucu (Izard & al (2008.a) a par ailleurs permis de confirmer l’hypothèse, formulée dès 2004, selon laquelle l’hypothèse la perception de la numérosité chez les mundurucus mettait en jeu trois processus cognitifs distincts (la subitisation ou "subitizing" qui fait référence à l’appréhension immédiate des petites numérosités), l’estimation (qui permet d’évaluer de façon approximative la numérosité d’un ensemble), et le comptage (qui consiste à apparier un par un des objets dans une liste verbale (noms de nombre), ou non verbale (doigts, parties du corps), et, que ces différents processus sont présents chez le mundurucu (enfant ou adulte) et chez le jeune enfant occidental.

Les résultats de Pica & Lecomte (2008) qui étudient dans le détail le fait que le nombre de syllabes des nom de nombre correspond en mundurucu à la cardinalité exprimée par le nombre (2 syllabes pour 2 etc) étayent par ailleurs l’hypothèse selon laquelle la subitisation ne peut etre réduite à un cas particulier d’estimation (Revkin & al (2008)) et montrent clairement que les mécanismes employés dans l’estimation sont distincts de ceux encodés par le système linguistique.

 

Ces recherches et leur extension à l’étude des mundurucus scolarisés bilingues, ont par ailleurs permis de confirmer qu’il existe un sens des nombres permettant d’estimer des quantités, et que ce système semble servir de base au système de nombre exacts (tel que nous le connaissons dans l’arithmétique exacte par exemple).La problématique de ce projet a vite débordé l’enjeu initial pour aborder d’autres questions liées aux intuitions de la géométrie euclidienne et non euclidienne.

 

Ce projet permet aujourd’hui d’aborder des notions telles que celles d’"invention culturelle" et d’étudier l’impact de l’éducation.

 

Certains résultats récents permettent par ailleurs de montrer que l’"intuition" sous-jacente à la multiplication n ’est pas entièrement partagée par les mundurucus (Izard & al (2009)). Cette découverte révèle différentes représentations des ensembles dans deux populations.

 

S’opposant à l’idée d’un relativisme culturel tel que le développent les tenants des versions contemporaines de Sapir-Whorf, le GRCI a, en particulier montré que les données obtenues auprès de populations ayant un accès restreint ou hétérogène à l’éducation, permettaient d’étayer l’hypothèse d’intuitions universelles en partie indépendantes du système linguistique.


Récents développements : Connaissances noyaux et faculté de langage

Certains travaux, mettant en jeu une collaboration avec un certain nombres de laboratoires nationaux et étrangers, dont le Laboratoire d'Evolution Cognitive de Harvard, le Centre pour les Neuro-sciences (Labs d'Or) (Rio) et l'Institut international de Natal ont aboutit à la formulation de projets intégrés - mettant en jeu la linguistique et son interface avec la biologie évolutionnaire et les sciences cognitives. Il 's'agit de mieux de mieux comprendre la portée de la variation observée chez les différentes populations etudiées et de mieux cerner la nature des interfaces entre la faculté de langage et les autres modules/facultés de l'esprit/cerveau. Ce type de recherche devrait permettre de mieux cerner la distinction entre facteurs internes et facteurs externes et de mieux cerner l'impact de l'environnement sur le développement des connaissances noyaux.


Références

Dehaene, S, Izard, V, Pica, P & Spelke E (2006), Core Knowledge of Geometry in an Amazonian Indigene Group, Science, 331, 5759, pp 381-4

 

> Dehaene, S, Izard, V, Spelke, E & Pica, P (2008), Log or Linear ? Distinct Intuitions of the number Scale in Western and Amazonian indigene Cultures, Science, 320, 5880, pp 1217-20.

 


 > Gilmore, C.K, McCarthy, S. E & Spelke E. (2007) Symbolic Arithmetic Knowledge without Instruction’, Nature, 447, pp 589-592.

 

> Izard, V, Pica, P, Spelke, E & Dehaene, S (2008.a), Exact Equality and Successor Function : Two Key Concept on the Path towards Understanding Exact Numbers in Philosophical Psychology 21.4, pp 491-505

 

 

>  Izard, V, Pica, P, Dehaene, S. & Spelke E. (2009), Intuitions for Multiplication in Amazonian Adults and U.S Adults and Children Poster présenté à la Biennale 2009 de SRCD (Society for Child Research Development), Denver, Avril.

 

> Nieder, A (2005), ’Counting on Neurons : The Neurobiology of Numerological Competence’ Nat. Rev. Neurosci 6.3. pp 117-190.

 

 > Pica, P, Lemer, C, Izard, V & Dehaene, S (2004), Exact and Approximate Arithmetic in an Amazonian indigene Group Science, 306, 5695, pp 499-503.

 

 > Pica, P & Lecomte, A (2008), Theoretical Implications of the Study of Numbers and Numerals in Mundurucu Philosophical Psychology, 21.4, pp 507-522.

 

> Revkin, S. Piazza, M, Izard, V, Cohen, L & Dehaene, S (2008), ’Does Subitizing Reflect Numerical Estimation ?’ in Psychological Science 19.6 pp 607-613.

Voir aussi :

 

Communiqués

 

Communiqué de Presse (CNRS) du 15 Octobre 2004

 

> Communiqué de Presse (Harvard) du 12 Juin 2006

 

Communiqué de Presse (CEA) du 3 Juin 2008


 > Communiqué de Presse (CNRS) du 4 Juin 2008

 

> Communiqué de Presse (CEA) du 23 Mai 2011

 

> Communiqué de Press (CNRS) du 23 Mai 2011

 

New Yorker’s articles

 

> Talbot, M. (2006), The Baby lab : How Elizabeth Spelke Peers into the Infant Mind, The New Yorker, 4 Septembre.

 

> Jim Holt, (2008), ’Numbers Guy : Are you brains hard wird for math ?’, The New Yorker, 3 Mars.

 

 

Annexes

 > Plusieurs films illustrent le comptage ’mundurucu’ (Des commentaires en anglais permettent en anglais permettant de mieux comprendre ces films sont disponibles ici).

 

 > On pourra écouter un morceau de musique mundurucu ici

 

> Consulter la page consacrée aux Mundurucus sur Wikipedia